Après avoir reçu un diagnostic de cancer, la fondatrice de l’entreprise, Rachel Bartholomew, a décidé de façonner l’avenir des soins de santé des femmes en lançant sur le marché une nouvelle génération d’appareils de rééducation périnéale.
Mini test : Qu’est-ce qu’un dysfonctionnement du plancher pelvien ?
Si vous l’ignorez, vous n’êtes pas seul(e). Cette affection musculaire et nerveuse – à savoir la difficulté à contrôler les muscles du plancher pelvien – est terriblement mal comprise par les professionnels de la santé et par le commun des mortels. Au moins un tiers des femmes en souffriront au cours de leur vie, ce qui entraînera une multitude de symptômes, notamment les urgences mictionnelles, une vidange incomplète de la vessie et des intestins, une inflammation chronique de la hanche, du bas du dos et du bassin, ainsi qu’un dysfonctionnement sexuel rendant la pénétration douloureuse, voire impossible.
Rachel Bartholomew, une entrepreneuse technologique de Waterloo, a remarqué la prévalence de ces problèmes souvent passés sous silence, ainsi que l’absence criante de produits et de services pouvant y pallier, et s’en est servie pour créer Hyivy Health, sa société de dispositifs médicaux pour le « bas du corps ». Sa propre expérience d’un plancher pelvien hypertonique (anormalement tendu) provoqué par la radiothérapie de son cancer du col de l’utérus – et le dilatateur vaginal recommandé par son oncologue pour y remédier – l’ont incitée à agir de son propre chef.
Pour les non-initiés, un dilatateur vaginal est un dispositif en forme de tube, en silicone ou en plastique dur, utilisé pour étirer progressivement (et souvent douloureusement) les tissus vaginaux. Il a été inventé [par un homme] il y a près d’un siècle et n’a fait l’objet que de très peu d’innovations ou de modifications depuis lors. En menant ses propres recherches, Mme Bartholomew a appris que moins d’un quart des utilisatrices d’un dilatateur persévéraient dans cette voie au bout d’un an. « Je n’arrivais pas à croire que mon sort reposait sur cette technologie ringarde vieille de 85 ans », explique-t-elle ( mais dans un langage plus imagé). « Il fallait faire quelque chose. »
Les dilatateurs vaginaux : une modernisation s’impose
En 2020, Mme Bartholomew a lancé Hyivy en se donnant une mission claire : relever le niveau des soins de santé pelvienne en modifiant radicalement la façon dont les troubles du plancher pelvien sont traités. Pour ce faire, Hyivy (prononcé « Hi-Ivy » selon la diction anglaise, combinaison entre les termes anglais hysterectomy [hystérectomie] et Ivy leaf [feuille de lierre], pour sa ressemblance avec un utérus), met au point le tout premier système de rééducation périnéale holistique et centré sur la patiente, qui allie à la fois du matériel thérapeutique et des composants logiciels d’avant-garde.
Pour concevoir la sonde Floora, Mme Bartholomew a tenu compte de toutes les idées et rétroactions qu’elle a reçues de son équipe d’oncologie (fait amusant : elle a présenté son concept à son radiologue alors qu’elle était sanglée sur un appareil de radiothérapie), ainsi que d’innombrables experts médicaux, thérapeutes, cliniciens et patients atteints du cancer avec lesquels elle a discuté au cours de ses traitements. Résultat ? Un appareil facile à tenir, adapté à l’ergonomie du milieu vaginal, autolubrifiant et intégrant une thérapie thermique pour réchauffer et refroidir les muscles et soulager l’inflammation en cas de besoin. Le dispositif repose sur une méthode de gonflage à l’air pour étirer en douceur les tissus vaginaux millimètre par millimètre, alors que les dilatateurs traditionnels le font par intervalles d’un demi-pouce.
Équipé de capteurs de pression, l’appareil fabriqué au Canada est associé à une appli mobile qui fournit des données en temps réel à la patiente et à son clinicien, leur permettant de suivre les progrès et de se connecter virtuellement. Comme les essais cliniques et les approbations réglementaires sont en cours, le système n’est pas encore commercialisé, mais on espère que la rééducation périnéale, qui peut être coûteuse et difficile d’accès dans les zones rurales, pourra être pratiquée dans le confort de son foyer.
« Je veux repenser la façon dont nous abordons la rééducation périnéale pour qu’elle ne soit plus aussi pénible. »
« J’aimerais beaucoup améliorer significativement la situation actuelle, apporter de nouvelles solutions, faciliter le traitement et en faire une meilleure expérience, déclare Mme Bartholomew. Je veux en fait repenser la façon dont nous abordons les traitements pour qu’ils ne soient plus aussi pénibles. »
Renforcer l’autonomie des femmes par la connaissance
Si l’équipe Hyivy aborde les problèmes sous l’angle féminin, elle les résout sous l’angle de la science des données. La recherche, les tests, les essais cliniques, les rétroactions des utilisateurs, les observations et les analyses constituent la pierre angulaire de tout ce qu’elle accomplit. Hyvivy s’efforce de combler le grand vide laissé par le manque flagrant d’études antérieures menées sur la santé des femmes. « Je n’avais pas réalisé à quel point nous étions en retard dans la compréhension de l’expérience des patientes », dit Mme Bartholomew, soulignant que les essais cliniques sur les femmes n’ont été obligatoires qu’à partir de 1997 au Canada (et de 1993 aux États-Unis).
En fin de compte, ce sont les données qui sont devenues sa force motrice. « Ce que nous observons n’a jamais été mesuré ou étudié auparavant ; je suis très enthousiaste à l’idée que nous sommes peut-être en train d’élucider le mystère entourant le vagin, confie-t-elle. J’espère pouvoir me servir de nos recherches pour dire à Harvard et au MIT : “Vous êtes en train de créer quelque chose. Voici de l’information. J’espère qu’elle vous sera utile.” Je sais que ce n’est peut-être pas la meilleure chose à faire d’un point de vue commercial, mais je veux pouvoir partager ces informations ouvertement pour continuer à faire avancer les choses. »
La protection de la vie privée et la sécurité comme piliers
Si tout ce partage de données et ce suivi à distance vous semblent inquiétants, Rachel Bartholomew y a également pensé. La montée des cyberattaques et de la surveillance numérique à l’échelle mondiale, sans parler de la nature délicate des dispositions relatives à la protection de la vie privée concernant l’accès à l’avortement aux États-Unis, a amené Hyivy à accorder une importance primordiale à la protection des renseignements personnels des utilisatrices, tout en veillant à ce que les données sensibles en matière de santé restent confidentielles et sécurisées. « Nous avons effacé toutes nos données administratives afin de protéger les femmes américaines concernées par l’arrêt Roe v. Wade, explique-t-elle. Ainsi, nous ne pouvons pas être appelés à envoyer les données personnelles des utilisatrices à un sénateur américain ; ces données ne sont destinées à être partagées qu’avec leur médecin, afin que celui-ci puisse réellement voir ce qui se passe. »
Les obstacles au financement des entreprises de technologie féminine
Alors que Mme Bartholomew s’efforce de rendre son produit irréprochable, et que le sujet gagne peu à peu en popularité (“thérapie périnéale” a connu une hausse de 62 pour cent dans les recherches Google depuis 2018, et le mot-clic #pelvicfloortherapy cumule plus de 385 millions de vues sur TikTok), vous vous demandez peut-être où sont tous les investisseurs dans ces entreprises en démarrage ? Après tout, les investissements mondiaux dans la technologie féminine – une industrie qui englobe les logiciels, les appareils et les services axés sur la santé des femmes – pourraient plus que doubler, passant de 47 milliards de dollars américains l’année dernière à plus de 108 milliards de dollars américains d’ici 2032, indique Precedence Research, une société établie au Canada et en Inde.
Les fondatrices d’entreprises en démarrage dans le domaine de la technologie ont toutefois beaucoup de mal à obtenir des investissements extérieurs. Depuis 2014, à peine 10 pour cent des opérations de capital-risque au Canada ont bénéficié à des entreprises en démarrage dirigées par des femmes. Une partie de cet écart s’explique par la faible proportion de femmes parmi les investisseurs. Les rapports indiquent que les femmes sont deux fois plus susceptibles d’investir dans des entreprises en démarrage dirigées par des femmes, mais qu’elles ne représentent que 19,4 pour cent des investisseurs au Canada. « Nous représentons 51 pour cent de la population, et pourtant je dois constamment expliquer que nous ne sommes pas un marché de niche », déclare Mme Bartholomew, qui a fondé l’année dernière Femtech Canada, un carrefour visant à mobiliser les ressources, à faire connaître le secteur de l’innovation en matière de santé féminine et à favoriser l’émergence d’une collectivité de collaboration au sein de ce secteur. « Je suis sidérée que nous ayons encore ce genre de discussions. »
« Nous représentons 51 pour cent de la population, mais je dois constamment expliquer que nous ne sommes pas un marché de niche. Je suis sidérée que nous ayons encore ce genre de discussions. »
Lorsqu’elle présente son entreprise en démarrage à des investisseurs, Mme Bartholomew constate que le monde du capital-risque, très masculin, a souvent du mal à comprendre la proposition de valeur ou l’ampleur du problème et des occasions – sans parler des subtilités de l’anatomie féminine. « Le plancher pelvien est tellement stigmatisé que c’est un obstacle difficile à surmonter, explique-t-elle. Je passe beaucoup de temps à renseigner les investisseurs en capital de risque et à parler à leurs épouses ou à leurs filles, que l’on fait venir pour qu’elles valident l’importance de cette démarche et les aident à la comprendre. »
Les difficultés de financement n’ont pas découragé Mme Bartholomew, malgré les nombreux obstacles qu’elle a rencontrés. « Le cancer nous apprend à être résilients, et je pense que c’est ce qui compte le plus : je ne me contente jamais d’une réponse négative, déclare-t-elle. Même lorsque j’essuyais un refus, je passais au suivant sans m’apitoyer sur mon sort. Je pense que nous nous sommes heurtées à une soixantaine de non avant d’obtenir notre premier oui. »
L’investissement : s’associer aux bons partenaires
Ce premier grand « oui » a pris la forme d’un financement de préamorçage de 1,1 million de dollars. En décembre 2021, une brochette de sociétés de capital-risque de premier plan, dont The51, OCI, iGan, Zambon Research Venture, Threshold Impact, Equation Angels, Beresford Ventures et le programme Velocity de l’Université de Waterloo, ont toutes participé à cette phase sursouscrite, aux côtés d’un certain nombre d’investisseurs providentiels privés.
Ross Robinson, investisseur en capital-risque et commandité de Velocity Fund (un partenaire de RBCx), était enthousiaste à l’idée d’intégrer Hyivy à son portefeuille : « Nous avons trouvé cet investissement très intéressant, car nous avons pris conscience du besoin criant de meilleures approches en matière de rééducation périnéale, tant sur le plan quantitatif que sur le plan de leur incidence sur la qualité de vie des personnes concernées. Lorsque vous constatez que le travail d’une fondatrice a un tel impact sur sa clientèle et sur la collectivité, la décision d’investir tombe sous le sens. »
RBCx, pour sa part, croit également en la vision de Mme Bartholomew et lui fournit des produits et services bancaires spécialisés pour ses activités au Canada et aux États-Unis. « Les mesures prises par RBCx pour nous aider à progresser ont été considérables, souligne-t-elle. Non seulement le programme a-t-il débloqué pour nous l’accès à des ressources financières et à des fonds de roulement, mais il nous a également offert de l’accompagnement et nous a présentés aux bonnes personnes. Nous sommes encore une jeune entreprise qui grandit grandit et mûrit. J’aime à dire que nous sommes comme un tout-petit qui tombe par terre en apprenant lentement à marcher. Mais nous allons y arriver, et je suis impatiente de voir ce que RBCx peut nous apporter pour la suite. »
L’avenir sera féminin
Grâce au capital-risque dont elle dispose, Hyivy a pu aller de l’avant sur plusieurs fronts : ouverture de bureaux aux États-Unis et au Royaume-Uni ; obtention des autorisations réglementaires de Santé Canada et de la FDA pour les dispositifs de classe 2 ; amélioration de la qualité de la fabrication et de la production ; tests de sécurité et certification ISO ; essais cliniques avec l’Université McMaster et le centre Grand River Regional Cancer ; une douzaine d’autres essais sont en cours, et nous discutons avec des hôpitaux en Amérique du Nord et de l’autre côté de l’Atlantique.
Si tout se passe comme prévu, dit-elle, Hyivy obtiendra sa certification en tant que dispositif médical et sera commercialisé dès l’année prochaine.
D’ici là, Mme Bartholomew garde les yeux rivés sur l’avenir et reste inébranlable dans sa détermination à améliorer la vie des femmes. « Je ne peux plus avoir d’enfants, car je suis devenue stérile pendant mon cancer. C’était difficile à avaler, mais mon projet a a fait contrepoids à ma peine personnelle. Hyivy est mon bébé. C’est à cette aventure que j’ai décidé de consacrer ma vie. J’y consacre 50 % de mon temps, et je me réserve l’autre moitié. »
Pour en savoir plus sur Hyivy Health, visitez le site Hyivy.com.
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