Comment fondateurs et entrepreneurs doivent évaluer les investissements qu’on leur fait miroiter.
Principaux points
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Les entreprises en démarrage sont tellement soucieuses de réunir des capitaux que, souvent, elles ne cherchent pas à en savoir plus sur les investisseurs potentiels.
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Quand vous évaluez une proposition, ne vous contentez pas d’examiner les modalités financières ; intéressez-vous à l’expertise de la société, à ses antécédents, à son approche, à ses valeurs et à ce qu’elle peut vous offrir, outre des capitaux.
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Ne craignez pas d’être incisif ; vous montrerez ainsi que le partenariat qui s’amorce et le succès de votre entreprise vous tiennent à cœur.
Le modèle de financement sur lequel s’est bâti l’écosystème des technologies est bien simple : l’entrepreneur dresse un portrait flatteur de sa jeune pousse auprès d’une société de capital-risque, qui le bombarde de questions avant de délier sa bourse, mettant ainsi au monde une licorne en puissance.
À aucun moment le fondateur de l’entreprise ne cherche à savoir si l’investisseur a le profil voulu. Cela n’est pas sans conséquences.
Les clauses de l’entente, le degré de compatibilité entre votre vision et les attentes de l’investisseur, vos objectifs respectifs, tout cela peut faire que l’entreprise décollera franchement ou entrera dans le décor en bout de piste.
Sid Paquette, chef, RBCx et vétéran du capital-risque, s’étonne toujours d’une telle légèreté : « Les fondateurs pensent que seul leur vis-à-vis peut poser des questions. Pas d’accord ! J’en ai très rarement vu qui vérifiaient la crédibilité des sociétés de capital-risque. »
« Les fondateurs pensent que seul leur vis-à-vis peut poser des questions. Pas d’accord ! J’en ai très rarement vu qui vérifiaient la crédibilité des sociétés de capital-risque. »
Autrement dit, ne vous ralliez pas sans réfléchir au premier capital-risqueur qui vous présente sa liste de conditions. Cherchez plutôt à trouver un partenaire qui aura à cœur la mission, les objectifs à long terme et la courbe de croissance prévue de votre entreprise.
Nicole Kelly, cheffe, Marketing et croissance, RBCx insiste : cela implique de poser des questions pertinentes et de mener des contrôles diligents. « Le détail de l’entente n’est pas tout ; il faut vous demander si l’investisseur est celui dont votre jeune pousse, votre réputation et vous-même avez besoin. Comment traite-t-il les jeunes entreprises ? Quels marchés l’intéressent ? Dans quels domaines possède-t-il les connaissances et l’expertise voulues ? S’il est question d’abandonner une partie du contrôle de votre entreprise et de travailler avec la même société pendant 5, 7 ou 10 ans, menez votre enquête afin de savoir si elle sera de bonne compagnie et capable d’empathie. »
« Le détail de l’entente n’est pas tout ; il faut vous demander si l’investisseur est celui dont votre jeune pousse, votre réputation et vous-même avez besoin. »
Pour vous aider à trouver le meilleur coéquipier (et bailleur de fonds…), nous avons dressé la liste des 25 questions que tout entrepreneur doit poser aux investisseurs, en précisant les sujets clés à aborder.
Téléchargez la liste des questions.
Au fait, votre entreprise doit-elle vraiment se tourner vers le capital-risque ?
Avant d’accepter le moindre sou, prenez le temps de vous demander si l’investissement institutionnel est la formule qui convient. Certes, du capital-risque peut garantir votre trésorerie, mais dans quelle mesure répondra-t-il aux besoins particuliers de votre jeune pousse – et, surtout, à quel prix ? « Je trouve que les fondateurs ne sont généralement pas assez exigeants à l’égard de leur partenaire, mais aussi qu’ils acceptent trop vite la solution du capital-risque et font l’impasse sur leurs futurs objectifs de financement », confie Jamie Rosenblatt, associé commandité de la société torontoise Golden Ventures. « Ils seraient bien avisés de se demander quelle forme de financement ils souhaitent à long terme, et si l’investisseur la leur offre. »
« Je trouve que les fondateurs ne sont généralement pas assez exigeants à l’égard de leur partenaire, mais aussi qu’ils acceptent trop vite la solution du capital-risque et font l’impasse sur leurs futurs objectifs de financement. Ils seraient bien avisés de se demander quelle forme de financement ils souhaitent à long terme, et si l’investisseur la leur offre. »
Michelle McBane, directrice générale de Standup Ventures, est du même avis : ce n’est pas parce que votre entreprise attire les investisseurs que c’est le moment d’accepter un financement externe. « Nous le disons sans arrêt : ne sollicitez pas des fonds avant d’être prêt à tester votre prochaine hypothèse et à faire fructifier cet argent frais pour voir si vous pourrez passer à l’étape suivante. »
Questions concernant le fonds offert et l’orientation stratégique du capital-risqueur
Vous estimez que la formule du capital-risque vous convient ? Il s’agit de connaître les priorités de l’investisseur potentiel et ses modalités de financement. Ses critères de sélection sont sa « thèse de placement » (les secteurs d’activité, les marchés et les stades de développement d’entreprise qui l’intéressent) et son « mandat d’investisseur » (ses évaluations et montants de prédilection). Familiarisez-vous avec son mode de fonctionnement afin de déterminer s’il est compatible avec votre vision, avec le marché que vous ciblez et avec vos objectifs ; vous vous assurerez ainsi un partenariat mutuellement avantageux.
L’étude de la proposition du capital-risqueur (qui sont ses associés commanditaires, quel est son appétit pour le risque, comment seront répartis l’investissement initial et les suivants…) peut aussi donner des indications sur la stabilité du fonds, la stratégie de placement de la société et la possibilité de procéder à d’autres tours de financement.
L’objectif, explique Jamie Rosenblatt, est d’obtenir la réponse à des questions pertinentes auxquelles seul le capital-risqueur peut répondre. « La plupart des fondateurs d’entreprise passent beaucoup de temps à poser des questions d’ordre purement administratif auxquelles répond déjà notre site Web. Je ne tiens pas à passer une partie de notre rencontre à vous expliquer ce que vous auriez pu découvrir en deux minutes sur Google. Ne m’interrogez pas pour le plaisir de poser des questions. Qu’avez-vous vraiment besoin de savoir pour pouvoir décider en connaissance de cause ? S’il ne vous vient pas de questions pertinentes à l’esprit, demandez-moi pourquoi, à mon avis, il vaut la peine ou non d’investir dans votre entreprise. »
Exemples de questions à poser
- Quelle idée vous faites-vous de notre entreprise ?
- Où en êtes-vous dans votre cycle de capital-risque ?
- Concernant les tours de financement complémentaire, quelle est votre stratégie ?
Questions concernant le portefeuille et le rendement du capital-risqueur
En vous familiarisant (à l’avance, là aussi) avec le portefeuille actuel de votre investisseur potentiel, vous en saurez davantage sur son expertise, son réseau et les synergies possibles. Intéressez-vous aussi à ses succès, à ses ratés et aux leçons qu’il en a tirées ; vous aurez une bonne idée de sa capacité à épauler de jeunes entreprises.
Pour avoir l’heure juste, le mieux sera souvent de vous informer auprès des autres poulains de la société. Vous obtiendrez ainsi de l’information de première main sur son niveau d’engagement, sur sa vitesse de réaction, sur le soutien qu’elle assure ainsi que sur les avantages et inconvénients qui découlent d’un partenariat avec cet investisseur.
La plupart des capital-risqueurs seront ravis de vous fournir une liste de chefs d’entreprise auxquels vous pourrez parler, mais Sid Paquette recommande de ne pas s’en contenter : « Vous avez un investisseur en vue ? Appelez les PDG de toutes les entreprises qui ont fait affaire avec lui, pour savoir comment il se comporte quand survient une crise. C’est la question clé – quand l’entreprise croît et que les choses se déroulent comme prévu, on est tout sourires, mais qu’en est-il lorsque les objectifs financiers ne sont pas atteints ? »
Comment vérifier les antécédents d’un capital-risqueur
La liste qui suit n’est pas exhaustive. Ce sont les questions que vous pourriez poser à un fondateur d’entreprise que l’investisseur auquel vous pensez a déjà aidé.
- Est-il facile de travailler avec cette société ?
- Dans quels domaines avez-vous sollicité son aide ? Qu’en-a-t-il résulté ?
- En cas de coup dur, quelle était l’attitude de votre partenaire ? Vous sentiez-vous épaulés ?
- Si vous aviez une autre entreprise à monter, feriez-vous affaire avec cet investisseur ? Qu’auriez-vous fait d’une autre façon ?
- En quoi consistait votre processus de contrôle diligent ?
- Votre conseil d’administration comprenait-il des représentants de la société et, si oui, quelle plus-value cela apportait-il ?
Questions concernant l’entente et la période postérieure à l’investissement
Il va sans dire qu’il faut absolument être en accord avec l’entente de financement. Si un capital-risqueur se dit prêt à investir dans votre jeune pousse (en fixant lui-même les règles, idéalement), examinez attentivement sa liste de conditions et les modalités de l’entente. Prenez note de ses attentes en ce qui concerne sa présence au conseil et la gouvernance. Quelles sont ses préférences en matière de communication et de rapports ? Jusqu’où s’engagera-t-il, au-delà de l’investissement initial ?
Mettez un moment les chiffres de côté et discutez ouvertement du processus de contrôle diligent – que comprendra-t-il, quelle en sera la durée, quels autres décideurs y participeront ? Ne craignez pas de vous faire expliquer les modalités moins familières et assurez-vous qu’elles ne vont pas à l’encontre des intérêts et des objectifs de votre entreprise. Dans le doute, confiez-en l’examen approfondi à un conseiller juridique ou financier.
Il peut être bon de vous enquérir du degré d’engagement dont fera preuve votre partenaire après l’investissement initial. Demandez-lui s’il acceptera d’appuyer d’un financement complémentaire la croissance de votre entreprise. Quel est son horizon de placement type, quelles sont ses stratégies de sortie ? Il est crucial de veiller à ce que la chronologie des placements soit en harmonie avec votre courbe de croissance supposée et vos objectifs à long terme.
Exemples de questions à poser
- Préférez-vous fixer les règles ?
- Si vous avez l’habitude d’être présent au sein du conseil d’administration, quels droits de veto vous donnerez-vous ?
- Comment nous aiderez-vous à mener le prochain tour de financement ?
Questions concernant la valeur ajoutée que représente le capital-risqueur
À lui seul, un appui financier ne garantit pas le succès d’une jeune pousse (des entreprises technologiques bien nanties au départ, comme Jawbone ou Theranos, en sont la preuve). Les capital-risqueurs qui assurent l’orientation stratégique, l’expertise sectorielle et le soutien opérationnel peuvent aider votre entreprise à relever le défi de la croissance. Ils peuvent aussi vous ouvrir des portes et vous faciliter la prise de contact avec des clients ou partenaires potentiels, voire avec d’autres investisseurs. Si vous ne pensez qu’au montant de l’investissement, vous risquez de passer à côté de ressources inestimables qui pourraient accélérer votre croissance.
Betsy Taggart, directrice générale, Marketing, croissance et exploitation de RBCx l’a appris à ses dépens. Avant de diriger notre programme interne Services-conseils sur plateforme – qui assure soutien pratique et conseils stratégiques auprès de clients triés sur le volet, pour les aider à développer leurs activités – Betsy a vendu les parts qu’elle détenait dans l’entreprise technologique qu’elle avait fondée dans le secteur de la santé, après le tour de financement initial de série A. « Je réalise que, fondatrice novice comme je l’étais, je ne connaissais pas assez de mentors ou de conseillers sur lesquels me reposer quand ça allait mal ou que je n’y voyais pas clair. Les capital-risqueurs d’expérience donnent souvent d’excellents conseils et peuvent vous éclairer immédiatement, parce qu’ils sont déjà passés par là. La prochaine fois, je veillerai à trouver des appuis de ce genre. On n’obtient les meilleurs résultats que quand on se sent sûr de soi et épaulé. »
Exemples de questions à poser
- Outre des capitaux, quelle valeur ajoutée ou assistance pouvez-vous nous apporter ?
- De quelle manière avez-vous aidé les entreprises dans lesquelles vous avez déjà investi ?
- Disposez-vous d’un bon réseau et pouvez-vous me mettre en contact avec des clients potentiels ?
Questions concernant la convergence des cultures et des valeurs
La relation idéale avec un capital-risqueur évoque un bouillon de culture au sein duquel les deux parties cherchent à atteindre des objectifs communs et relèvent les défis ensemble. Certains investisseurs mettent leurs valeurs au cœur de leur stratégie de placement – Golden Ventures est attentive aux questions de diversité, d’équité et d’inclusion ; Standup Ventures veille particulièrement à épauler les entreprises technologiques fondées ou dirigées par des femmes. Pour d’autres, en revanche, il faudra peut-être tenir compte d’aspects moins tangibles, par exemple la compatibilité entre les styles de communication et de travail des deux parties. Dans tous les cas, la concordance entre leurs cultures et leurs valeurs ne doit jamais être sous-estimée.
« Je n’insisterai jamais assez sur l’importance de la convergence entre votre raison d’être ou vos valeurs et celles des gens avec qui vous allez faire affaire, souligne Betsy Taggart. Chaque fois qu’on accepte un financement, la confiance est essentielle – c’est l’assise même du temple. Il y aura toujours des difficultés, mais si la fondation est solide, l’ouvrage pourra être construit plus haut et plus vite. »
« Je n’insisterai jamais assez sur l’importance de la convergence entre votre raison d’être ou vos valeurs et celles des gens avec qui vous allez faire affaire. Chaque fois qu’on accepte un financement, la confiance est essentielle – c’est l’assise même du temple. Il y aura toujours des difficultés, mais si la fondation est solide, l’ouvrage pourra être construit plus haut et plus vite. »
Exemples de questions à poser
- De quelle façon préférez-vous travailler ?
- Que faites-vous quand les choses ne se passent pas comme prévu ?
- Comment promouvez-vous la diversité, l’équité et l’inclusion, à l’intérieur comme à l’extérieur ?
La compatibilité entre fondateur et investisseur est-elle plus importante que la question monétaire ?
Compte tenu des nombreux facteurs en jeu dans la recherche de financement, il n’est pas surprenant que cette question fasse débat au sein de l’écosystème des entreprises en démarrage. Voici la réponse de trois de nos experts :
Betsy Taggart – « Meilleure est la compatibilité entre fondateur et investisseur, plus grandes seront leurs chances de succès. J’ai du mal à séparer cette question de la question monétaire. Elles sont intimement liées. Cela dit, si un investisseur m’offrait un peu moins ou me demandait davantage de concessions qu’un autre avec lequel je ne me sentirais pas autant en accord, je choisirais systématiquement le premier. Selon moi, quand la proximité de vues, l’ouverture et l’état d’esprit de croissance sont au rendez-vous, tout le monde est gagnant. »
Sid Paquette – « Cela dépend. Si c’est une question de vie ou de mort, je crois que la question monétaire passe avant tout le reste. Par contre, si vous avez le choix, je dirais que la compatibilité prime. Si vous ne trouvez qu’un investisseur intéressé mais qu’il vous ne semble pas tout à fait compatible avec votre entreprise, je ne pourrai, en conscience, vous suggérer de décliner son offre, puisque, par hypothèse, vous avez absolument besoin de ces capitaux. »
Jamie Rosenblatt – « Ma réponse est, catégoriquement, “non”. La question monétaire est la plus importante. Dans 99 % des cas, le succès ou l’échec de l’entreprise repose sur ses fondateurs et sur son personnel. Ma mission consiste à faire jouer au maximum le peu d’influence que je peux avoir. La compatibilité a évidemment de l’importance mais, au bout du compte, ce sont ceux qui travaillent pour l’entreprise qui décideront de son sort. »
Le mot de la fin
N’oubliez jamais que le choix du bon investisseur ne se limite pas à s’assurer des capitaux ; il s’agit aussi de forger les liens mutuellement avantageux qui garantiront la croissance et le succès de votre jeune pousse. Au début de votre périple d’entrepreneur, vous devez comprendre combien il importe de poser des questions et de mener des contrôles diligents.
« Posez toutes les questions difficiles et embarrassantes, recommande Betsy Taggart. Exigez tout ce que vous voulez savoir, en particulier ce qu’il ne vous est pas agréable de demander ou qui pourrait se révéler conflictuel. Faites vos devoirs, magasinez et, à propos de chaque candidat, demandez-vous ce qu’il a à offrir. A-t-il fait ses preuves ? Vous devriez interroger les investisseurs potentiels autant qu’ils vous interrogent. Chassez de votre esprit l’idée que vous êtes un quémandeur. Vous avez une idée – les investisseurs ont besoin de gens comme vous. Ne vous dépréciez pas. »