Comment le capital-risque canadien a-t-il évolué au cours des dix dernières années sous l’angle des sorties d’opérations de capital-risque ? Dans son analyse, RBCx met au jour les défis et les réussites de l’écosystème du capital-risque et les leçons à retenir pour les prochaines années.

Points importants :

  1. Si une liquidité excessive n’est jamais une mauvaise chose en soi, c’est du manque de prévisibilité à l’égard des liquidités dont a toutefois pâti notre écosystème du capital-risque. Plus de 50 % de la valeur aux sorties d’opérations de capital-risque des dix dernières années sont attribuables aux seules années 2020 et 2021. Les cycles de financement des commandités ont donc été avancés, puisque des raz-de-marée de capitaux de commanditaires ont dû être redéployés. Cela étant dit, l’affectation du capital au capital-risque canadien au cours des dix dernières années a enregistré certains creux en 2023 et en 2024.
  2. Au cours des dix dernières années, 85 % de la valeur globale des sorties au Canada a été générée par seulement 27 % de toutes les sorties, c.-à-d. les 50 plus grandes sorties. Avec une telle concentration de valeur au sein d’un échantillon si petit, la réussite des 50 premières sorties demeure cruciale pour les investisseurs en capital-risque qui aspirent à continuer d’investir durablement dans le capital-risque canadien.
  3. Il faut se méfier de la croyance trompeuse alliant la taille d’une sortie avec sa réussite. Au lieu de cela, on peut évaluer les sorties canadiennes en fonction de la rentabilité sous-jacente pour leurs actionnaires, et non simplement en fonction de la taille en comparant le montant total de la levée de fonds à la valeur de l’opération à la sortie, un concept connu sous le nom d’efficacité du capital à la sortie.
  4. Toute proportion gardée, les sorties canadiennes augmentent plus rapidement en valeur et en volume qu’aux États-Unis depuis dix ans. Puisque le marché américain du capital-risque reste 30 fois plus important et plus mature que celui du Canada, ces sorties importantes qui ressortent des tendances actuelles sont un bon signe à ce stade du développement au Canada.
  5. Au Canada, la gestion du ratio valeur cumulative des sorties/levée des fonds est essentielle à la poursuite du développement d’un écosystème du capital-risque efficace sur le plan du capital. Alors que les investisseurs s’attendent à une reprise des sorties au cours des prochaines années, il demeure essentiel de pouvoir continuer à réduire l’écart des ratios entre le Canada et les États-Unis.

Comment se porte exactement l’écosystème du capital-risque du Canada ? Une analyse exclusive de RBCx, consacrée au capital-risque canadien au cours des dix dernières années aide à répondre à cette question, en privilégiant l’« autre » côté de l’équation du capital-risque – les sorties de capital-risque – au lieu du montant du capital investi dont il est plus souvent question. John Rikhtegar, directeur général, Capital-risque RBCx et principal auteur de l’étude, a présenté nos conclusions au Banff Venture Forum en octobre 2024. Voici ses grandes leçons à retenir.

Depuis le lancement du Plan d’action sur le capital de risque du gouvernement fédéral en 2013, le capital-risque canadien prend les devants pour assurer sa croissance et devenir plus mature. Nous disposons maintenant de données sur une période de dix ans pour étudier en détail la valeur à la sortie et la liquidité des opérations de capital-risque canadiennes. Voici le tableau qui en ressort : un écosystème en cours de développement qui compte de nombreuses réussites, et continuera de s’étoffer au cours des dix prochaines années. Cependant, en dépit des prévisions de croissance, rien ne garantit que nous réaliserons notre plein potentiel. Dans cette optique, notre analyse a dévoilé plusieurs perspectives clés sur l’évolution souhaitée de l’écosystème afin de maximiser la croissance au Canada et à l’échelle mondiale.

Influence des cycles du marché sur le capital-risque

Depuis longtemps, on part du principe que le rendement du capital-risque est fortement corrélé au stade du cycle du marché. Notre examen des dix dernières années confirme la vérité de ce principe tant au Canada qu’aux États-Unis. De janvier 2013 à août 2024, 184 sorties d’opérations de capital-risque canadiennes ont été enregistrées. Ensemble, elles ont produit une valeur de 56,5 milliards de dollars (voir notre méthodologie ci-dessous).

Les valeurs à la sortie ont augmenté à mesure que les taux d’intérêt diminuaient

Comme l’indique le graphique ci-dessous, de 2016 à 2021, la valeur globale des sorties a augmenté chaque année tout en atteignant un sommet en 2021 à mesure que les taux d’intérêt diminuaient et que les investisseurs prenaient plus de risques. Environ 50 % de la valeur globale des sorties d’opérations canadiennes pour l’ensemble des dix dernières années a été générée en l’espace de deux années seulement (2020 et 2021). Ce phénomène ne vaut pas seulement pour le Canada. Les données du marché américain indiquent une hausse identique au cours de la même période.

Avec l’inflation rampante et le fort repli des marchés tant boursiers que privés, les sorties au Canada ont connu une forte accalmie. Il en a résulté la pire baisse d’une année sur l’autre de la valeur aux sorties en 2021 et 2022.

L’essor et la chute du volume des sorties au Canada

Le précédent cycle du marché a également influé sur le volume des sorties au Canada. Le graphique ci-dessous compare le volume annuel de sorties d’opérations de capital-risque au Canada et le taux directeur de la Banque du Canada. En 2008, les taux d’intérêt ont frôlé zéro pour la première fois, dans l’objectif de sauver l’économie de la crise financière mondiale. Puis ils sont restés bas pendant treize ans. Ce fut la plus longue reprise économique de l’histoire. Ce faisant, les acquéreurs ont bénéficié d’un meilleur accès au capital à moindres frais, ce qui a contribué à renchérir les valorisations. Dans la foulée, les acheteurs et vendeurs ont atteint un meilleur équilibre de prix, et conclu plus d’opérations.

Sur le plan des taux d’intérêt, cette période prolongée de taux d’intérêt bas se démarque clairement des années 1980, 1990 et 2000. Dans la foulée de l’augmentation rapide des taux en 2022, le volume des sorties a diminué à son tour. Alors que l’économie a essentiellement retrouvé l’état où elle se trouvait avant 2008, l’écosystème du capital-risque marche sur des œufs, du fait du manque de liquidités inédit.

Compte tenu de l’influence des cycles du marché sur la capacité de générer des liquidités et des sorties dans la catégorie d’actifs du capital-risque, il est essentiel que les investisseurs tiennent compte de ces facteurs externes et qu’ils investissent leurs fonds en suivant le cycle du capital-risque au lieu d’agir de manière contra-cyclique. C’est pourquoi les millésimes après la correction ont tendance à être des années record sur le plan du rendement, puisque ces placements devront faire l’objet d’une sortie au prochain sommet du marché dix ans plus tard.

Les dix années où a prévalu la politique de taux d’intérêt zéro au Canada ont été particulièrement favorables aux propriétaires d’actifs, y compris les entreprises financées par le capital-risque. De ce fait, le nombre de sorties a augmenté de 2013 à 2021.

Déroulement du cycle du marché dans tous les vecteurs de capitaux

L’examen de la valeur et du volume des sorties au cours des dix dernières années ne dresse qu’un tableau partiel des incidences des cycles du marché sur le capital-risque canadien. Par conséquent, RBCx a aussi analysé les répercussions sur les trois vecteurs de capitaux :

  1. les sorties ;
  2. les levées de fonds effectuées par les commandités auprès des commanditaires ;
  3. le capital investi par les commandités et les sociétés de capital-risque dans les sociétés.

Les trois graphiques ci-dessous illustrent le déroulement du cycle dans chaque vecteur de capital, en commençant par une période d’investissement de plus en plus marquée par l’appétit pour le risque, suivie d’une période de liquidité record, et culminant par une forte baisse provoquée par l’aversion pour le risque, comme suit :

Sorties d’opérations de capital-risque canadiennes

Puisque 50 % de la valeur aux sorties des dix dernières années a été générée en 2020 et 2021, les cycles de financement des commandités ont été avancés, car les commanditaires ont amassé des capitaux qui devaient être déployés sur les marchés.

Levées de fonds pour les opérations de capital-risque canadiennes

Les commandités ont élaboré de vastes stratégies de financement, et levé des fonds de plus grande envergure qu’ils ont rapidement déployés. Comme l’illustre le graphique du milieu, les années record des sorties (2020 et 2021) ont été suivies d’années record de levées de fonds (2021 et 2022) : les commandités ont alors levé auprès des commanditaires 14 milliards de dollars qu’ils ont affectés au capital-risque canadien (ce qui représente 40 % de l’affectation totale de capitaux au cours des dix dernières années). Toujours est-il que le capital n’est pas illimité. Avec un déploiement si précoce d’une si grande somme en peu de temps, une forte réduction des levées de fonds s’en est naturellement suivie en 2023 et 2024.

Investissement dans le capital-risque canadien

En 2021 et 2022, un montant de 25 milliards de dollars de capital-risque a été investi dans des sociétés canadiennes (graphique de droite). Une question subsiste toutefois : quel solde des 14 milliards de dollars levés en 2021 et 2022 par les commandités peut-il toujours servir de munition pour parer à la salve de sociétés qui ont effectué des levées de fonds en 2021 et 2022, et pour continuer à investir dans de nouvelles entreprises en démarrage ?

Une chose est très claire : le cycle du marché au cours des dix dernières années a fortement touché les trois vecteurs de capital-risque.

Au cours des dix dernières années, le cycle du marché du capital-risque a touché les trois vecteurs de capitaux au sein du capital-risque canadien : les sorties, les répartitions et les placements

La prévalence de la loi de la puissance dans le capital-risque canadien

Si la concentration de la valeur aux sorties indiquée dans la rubrique ci-dessus ne suffit pas à elle seule pour justifier l’existence de la loi de la puissance dans le capital-risque canadien, voici encore plus de preuves.

Sur le nombre total des 184 sorties effectuées au Canada au cours des dix dernières années, les 50 sorties les plus grandes (les « 50 premières sorties ») ont produit à elles seules un pourcentage surprenant de 84 % de la valeur totale des sorties, bien qu’elles ne représentent que 27 % du volume des sorties.

En fait, la valeur médiane des sorties des 50 premières sorties au Canada est de 467 millions de dollars, contre 93 millions de dollars pour toutes les sorties ayant eu lieu au cours des dix dernières années. Ce nombre est cinq fois plus élevé que la valeur médiane des sorties pour les 184 sorties.

La « loi de puissance » qui définit le capital-risque apparait clairement dans toutes les sorties ayant eu lieu au Canada.

À moins d’obtenir des valeurs à la sortie dans la fourchette des 50 premières sorties, les commandités canadiens et leurs commanditaires auront peut-être du mal à générer de solides rendements pour les investisseurs et à lever des fonds ultérieurement. Prenons un exemple : Sur la base de la valeur médiane globale des sorties au Canada de 93 millions de dollars et de la valeur médiane des sorties des 50 premières sorties de 467 millions de dollars, un commandité qui détient 10 % à la sortie dans les deux scénarios générerait des produits de vente respectifs de 9,3 millions de dollars et de 46,7 millions de dollars. Pour un fonds donné, ces produits de vente généreront des rendements individuels très différents.

Analyse des 50 premières sorties d’opérations de capital-risque au Canada

Les 50 premières sorties qui ont eu lieu au Canada lieu au cours des dix dernières années sortent vraiment du lot. Il y a donc lieu d’en comprendre leurs caractéristiques sous-jacentes. Qui fait donc partie des 50 premières sorties ? L’ensemble de données comprend les sociétés qui ont effectué des sorties d’une valeur de plus de 186 millions de dollars, générées de l’une des trois façons suivantes : un premier appel public à l’épargne (« PAPE »), une fusion ou une acquisition, ou un rachat majoritaire.

Dans le cas des sociétés qui ont procédé à un PAPE, RBCx a utilisé l’évaluation du PAPE comme valeur à la sortie dans son analyse afin de comparer des pommes avec des pommes. Il demeure toutefois important de noter que nous considérons un PAPE comme un événement de financement entraînant un événement de liquidité et non comme un pur événement de liquidité en soi, puisque les restrictions de blocage et d’autres facteurs empêchent les investisseurs de se départir de leur position au prix du PAPE. De plus, dans le cas des sociétés qui sont entrées en bourse, mais ont été acquises après le PAPE, le prix d’acquisition après l’entrée en bourse a déterminé la valeur à la sortie aux fins de la présente analyse.

Un bon équilibre entre les sorties par voie de fusion et d’acquisition et par voie de PAPE

Dans le cadre de notre examen des modalités d’exécution des 50 premières sorties, les fusions et acquisitions étaient la voie privilégiée (52 % de la valeur et 54 % du volume des 50 premières sorties). Les PAPE ont suivi de près les fusions et acquisitions, ce qui indique un bon équilibre entre les deux voies de sortie. Il s’agit d’un excellent signe que les plus grandes sorties au Canada ne dépendent pas d’une seule voie de sortie, et que notre écosystème risque d’être moins affecté si une voie est bloquée. À l’inverse, puisque 40 des 50 premières sorties aux États-Unis sont attribuables à un PAPE, le contexte d’aversion pour les PAPE qui prévaut depuis 2022 exerce d’importantes pressions sur les liquidités dans l’écosystème américain depuis lors.

Le Canada affiche un bon équilibre entre les types de sorties, les fusions et acquisitions étant à l’origine d’environ 50 % de la valeur et du volume globaux des 50 premières sorties.

Les sciences de la vie ont donné lieu à certaines des plus grandes sorties au Canada

Les deux secteurs qui recourent le plus au capital-risque au Canada sont les technologies de l’information et de la communication (TIC) et les sciences de la vie. Nous avons comparé la situation des deux secteurs et découvert que les sociétés canadiennes des sciences de la vie se sont particulièrement bien comportées au cours des dix dernières années. Plus précisément, bien que les sciences de la vie n’étaient qu’à l’origine de 11 des 50 premières sorties au Canada, elles représentaient 44 % de la valeur globale des sorties et ont produit quatre des cinq premières sorties d’opérations de capital-risque canadiennes au cours des dix dernières années. Ces sorties concernaient AbCellera, Chinook Therapeutics, Fusion Pharmaceuticals et Clementia Pharmaceuticals.

Fait intéressant, une analyse de RBCx sur La mobilisation de capital-risque au Canada : bilan de la dernière décennie révèle que 7 % seulement de tous les capitaux mobilisés ont été consacrés à des fonds des sciences de la vie. Cette constatation, combinée à nos données ci-dessus sur les sorties, laisse entrevoir une occasion intéressante d’investir dans ce secteur, uniquement en fonction de la dynamique de l’offre et de la demande.

Une approche à long terme pour investir dans le capital-risque

Les investisseurs considèrent le capital-risque comme l’une des catégories d’actifs les plus à long terme et les moins liquides. Il faut beaucoup de temps pour qu’une entreprise en démarrage devienne une entreprise mature, surtout lorsque le marché accorde la priorité à la croissance sur le plan de l’efficacité du capital et non à la « croissance à tout prix ». Pour aider à quantifier la durée des opérations de capital-risque au cours des dix dernières années, nous avons analysé les 50 premières sorties en utilisant deux paramètres : la durée de l’opération à la sortie et la durée du financement de premier niveau à la sortie.

Durée de l’opération à la sortie

La durée d’une opération à la sortie d’une société désigne le nombre d’années d’exploitation d’une société avant la sortie, soit la différence entre l’année où a eu lieu la sortie et l’année où a été créée la société. Ce paramètre importe pour les fondateurs parce qu’il mesure leur manque de liquidité typique, plus précisément la durée entre la création de la société et la sortie de celle-ci. En moyenne, les fondateurs des 50 premières sorties au Canada prennent 12 ans pour bâtir, développer et quitter leurs sociétés.

Durée de l’opération au financement de premier niveau jusqu’à la sortie

La durée de l’opération au financement de premier niveau jusqu’à la sortie est particulièrement importante pour les investisseurs dans des sociétés en démarrage et les répartiteurs, car elle représente le nombre d’années entre la première ronde de financement de l’entreprise et la sortie. La durée médiane de l’opération au financement de premier niveau jusqu’à la sortie est de huit ans pour les 50 premières sorties au Canada.

Répercussions possibles pour les commandités et les commanditaires

En général, les commandités investissent dans des sociétés pour lesquelles ils voient un horizon de restitution du capital de dix ans sur la base de la structure traditionnelle des fonds (investissement, émission ultérieure de titres et restitution de capital à leurs commanditaires). Quoi qu’il en soit, la durée médiane de l’opération de financement de premier niveau jusqu’à la sortie pour les 50 premières opérations au Canada est de huit ans. Ainsi, les investisseurs qui investissent dans des entreprises en démarrage qui ont participé à l’un de ces financements de premier niveau de capital-risque ne se seraient pas départis de leurs positions pendant huit ans, à moins d’avoir vendu prématurément leurs participations sur le marché secondaire. N’oublions pas que si un fonds investit dans une société après sa deuxième année (une pratique courante puisque la plupart des périodes d’investissement initial interviennent pendant les quatre premières années d’un fonds), cela signifie que son existence s’étend déjà au-delà de la période de dix ans.

Il convient absolument que les investisseurs abordent le capital-risque avec un horizon de placement à long terme et qu’ils calquent leur financement sur les cycles du marché. Ordinairement, les plus grandes sorties au Canada ont été les plus longues à porter leurs fruits. Cela explique pourquoi certains des fonds les plus fructueux des dix dernières années ne le sont devenus qu’au terme de la huitième année, car c’est alors que leurs meilleurs actifs ont connu leurs principaux événements de liquidité.

L’idée fausse de la corrélation entre le « succès » de la sortie et la « taille » de l’opération

Ce sont les plus grandes sorties qui tendent à retenir le plus l’attention des investisseurs en capital-risque, des répartiteurs et des fondateurs. Nombreux sont ceux qui souscrivent à l’idée traditionnelle selon laquelle plus le montant à la sortie est gros, plus l’entreprise sera fructueuse. Il peut toutefois être trompeur d’évaluer le succès d’une entreprise en fonction exclusivement de la valeur à la sortie.

Exemple :
Si deux entreprises procèdent à une sortie, l’une pour 100 millions de dollars et l’autre pour 1 milliard de dollars, il se peut que la plupart des investisseurs eussent préféré investir dans la seconde. Mais que se passe-t-il si la société qui a enregistré la sortie la plus petite n’a levé que 10 millions de dollars et obtient une sortie de 100 millions de dollars, alors que l’autre société a levé 500 millions de dollars et atteint la sortie de 1 milliard de dollars ?

Le résultat ? Le rendement global de l’investisseur aurait été cinq fois plus élevé dans le cas de la plus petite sortie. Cela s’explique par l’efficacité du capital.

Dans notre analyse, l’efficacité du capital est calculée en divisant la valeur à la sortie par le montant total des capitaux propres levés, ceux-ci comprenant seulement les capitaux primaires, à l’exclusion de toutes les formes de dette et de capitaux secondaires. Plus l’efficacité du capital à la sortie est élevée, plus les actionnaires obtiennent de meilleurs rendements nets.

Montant total des levées de capitaux propres par les 50 premières sorties au Canada

Il est très intéressant d’appliquer ce principe aux 50 premières opérations au Canada. Voici un graphique représentant les 50 premières sorties, classées par ordre décroissant de taille. Il illustre le montant total des capitaux propres levés par chaque société. Notons l’importante dispersion entre les 50 premières sorties. Bien que les levées de capitaux semblent plus importantes dans le quartile supérieur des sorties (barres supérieures) que dans le quartile inférieur (barres inférieures), il est clair que la représentation des 50 premières sorties en fonction du montant total des capitaux propres levés aurait produit un ordre très différent. Voilà pourquoi toutes les opérations de capital-risque ne sont pas créées sur un pied d’égalité.

Le montant total des capitaux propres en pourcentage de la valeur aux sorties

La seule prise en compte du montant total des capitaux propres ne nous permet pas de comprendre toute la situation. Nous devons examiner les montants des levées par rapport à ceux de la sortie de chaque société. Dans le graphique ci-dessous, nous évaluons le montant total des capitaux propres levés en pourcentage de la valeur aux sorties, au lieu des montants absolus. Les barres supérieures représentent les entreprises qui ont mobilisé un plus grand pourcentage des capitaux propres par rapport à leur valeur à la sortie. Dans ce cas de figure, les actionnaires enregistrent une sortie potentiellement moins efficace. À l’inverse, les barres inférieures représentent les sociétés qui ont mobilisé un plus faible pourcentage de capitaux propres par rapport à leur valeur à la sortie. Dans ce cas de figure, les actionnaires enregistrent une sortie potentiellement plus efficace. Sous cet angle apparaît une fois de plus une grande disparité au sein des 50 premières sorties.

Mesure de la rentabilité sous l’angle de l’efficacité du capital à la sortie

Le récit change considérablement pour les 50 premières sorties au Canada lorsque nous mesurons la rentabilité de chaque sortie. Pour ce faire, nous avons introduit un nouveau paramètre désigné sous le nom d’« efficacité du capital à la sortie ». Il est obtenu en divisant la valeur totale de la sortie par le montant total des capitaux propres levés. Ce paramètre mesure la réussite de la sortie par la rentabilité de la sortie, au lieu de la taille de la sortie. Plus précisément, puisque l’efficacité du capital à la sortie est une mesure de la rentabilité, elle nous permet d’analyser les sorties de sociétés les plus lucratives du point de vue de leurs actionnaires sous-jacents : les commandités et leurs commanditaires.

Comme le montre le graphique ci-dessous, bien que Verafin représente la troisième sortie d’entreprise canadienne au cours des dix dernières années, il est encore plus remarquable de comparer son efficacité du capital à la sortie parmi les 50 premières sorties au Canada : sa valeur à la sortie est 127 fois celle du montant total des capitaux propres qui y ont été investis. Il est intéressant de noter que la valeur médiane des 50 premières sorties au Canada était 7,7 fois supérieure au montant total des capitaux propres levés par l’entreprise.

Tant une valeur à la sortie qu’une efficacité du capital élevées peuvent optimiser les résultats de la sortie

Un examen approfondi de ces indicateurs montre que seulement quatre des dix premières sorties canadiennes (mesurées par la valeur à la sortie) sont également représentées dans les dix premières sorties mesurées par l’efficacité du capital à la sortie. Il s’agit d’AbCellera, de Chinook Therapeutics, de Verafin et de Shopify. C’est là qu’il est dangereux d’assimiler la valeur à la sortie à la réussite. Les données montrent clairement que les sorties plus importantes ne correspondent pas toujours aux sorties plus rentables. La prise en compte de la valeur à la sortie et de l’efficacité du capital peut optimiser les résultats de la sortie pour tous les actionnaires. Les sociétés qui effectuent une sortie à des valeurs élevées tout en conservant une bonne efficacité du capital contribueront à assurer la réussite et la prospérité de notre écosystème au cours des dix prochaines années.

Comparaison des sorties enregistrées au Canada et aux États-Unis

Bien que l’écosystème du capital-risque américain soit plus mature et beaucoup plus étendu que l’écosystème canadien, des signes indiquent que nous sommes sur la bonne voie. Comme le montrent les deux graphiques suivants, au cours des dix dernières années, la valeur totale et le volume total de notre écosystème du capital-risque ont en fait augmenté plus rapidement que ceux de l’écosystème américain, bien qu’à une échelle beaucoup plus petite.

Au cours des dix dernières années, l’écosystème du capital-risque américain a produit une valeur à la sortie de 2,6 billions de dollars américains, soit un montant 46 fois plus élevé que la valeur à la sortie de 56 milliards de dollars canadiens. Il s’agit d’une importante amélioration par rapport au pic atteint en 2014, lorsque la valeur cumulative des sorties aux États-Unis était 134 fois celle au Canada. Aujourd’hui, le ratio est le plus faible ratio jamais enregistré. Voilà un signe positif pour notre écosystème.

Si l’on effectue la comparaison sous l’angle du volume des sorties, une tendance similaire se dessine. En 2014, le nombre cumulatif de sorties aux États-Unis a atteint un sommet, soit 53 fois plus de sorties qu’au Canada. L’année suivante s’est caractérisée par un déclin marqué et une tendance baissière depuis lors. Au cours des dix dernières années, l’écosystème du capital-risque américain a produit 4 179 sorties (soit plus de 10 millions de dollars américains). Il s’agit là d’un nombre 23 fois plus élevé que les 184 sorties au Canada (plus de 10 millions de dollars canadiens).

Ajustement du capital-risque canadien aux fins du développement

Le capital-risque canadien se porte bien sur le plan de la valeur et du volume des sorties, même si les entreprises américaines ont, par le passé, effectué des sorties à des valeurs bien plus élevées. Sous cet angle se dégagent deux conséquences importantes pour les investisseurs canadiens :

  • l’importance de faire preuve de discipline à l’égard du prix d’entrée et de l’évaluation ;
  • l’importance de donner la priorité à l’efficacité du capital.

La discipline à l’égard du prix d’entrée et de l’évaluation

Comme le dit le vieil adage, « la seule chose que peut maîtriser un investisseur est le prix d’entrée ».

La valeur médiane des sorties aux États-Unis au cours des dix dernières années était de 141 millions de dollars américains, contre 93 millions de dollars canadiens au Canada. Prenons deux exemples recourant aux valeurs médianes. Ils aident à expliquer pourquoi les investisseurs canadiens doivent investir tôt et faire preuve de discipline en ce qui a trait au prix d’entrée.

Exemple : Un investisseur a acheté 10 % d’une société en investissant 2 millions de dollars, à une évaluation postfinancement de 20 millions de dollars sans subir de dilution jusqu’à la sortie. Selon la valeur médiane des sorties aux États-Unis de 140 millions de dollars, le produit de vente qui en résulterait s’élève à 14 millions de dollars et un rendement de 7 fois pour une société américaine effectuant une sortie à sa valeur médiane de sortie. En comparaison, on obtiendrait un produit de vente de 9,3 millions de dollars et un rendement de 4,6 fois pour une société canadienne qui effectue une sortie à la valeur médiane de sortie de 93 millions de dollars. Il n’est donc pas surprenant que la société américaine, dont la valeur est plus élevée à la sortie, a produit un rendement plus élevé.

Mais que se passerait-il si l’évaluation postfinancement canadienne était de 12 millions de dollars, au lieu de 20 millions de dollars, pour l’investisseur qui investit tôt et fait preuve de discipline à l’égard de l’évaluation ? Toutes choses étant égales par ailleurs, cette sortie de 93 millions de dollars générerait désormais un produit de vente de près de 16 millions de dollars (au lieu de 9,3 millions de dollars) et un rendement de huit fois. Voici un résultat plus élevé que les sept fois dans le scénario américain. C’est pourquoi il est primordial que les investisseurs canadiens investissent tôt et fassent preuve de discipline en ce qui concerne le prix d’entrée.

Accorder la priorité à l’efficacité du capital

Ordinairement, la valeur médiane aux sorties aux États-Unis est le double de celle au Canada (si l’on compare la valeur médiane aux sorties au Canada de 93 millions de dollars canadiens à la valeur aux sorties aux États-Unis de 141 millions de dollars américains). Théoriquement, cela signifie que les sociétés américaines peuvent ingérer deux fois le montant des capitaux propres tout en obtenant la même efficacité du capital que les sociétés canadiennes à la sortie. Cela illustre pourquoi le Canada et notre écosystème ne peuvent tout simplement pas imiter les règles de capitalisation des entreprises américaines. En effet, cela affecterait directement la capacité de nos sociétés à produire des rendements relatifs élevés pour le capital-risque canadien et, par conséquent, à produire des sorties moins efficaces. L’efficacité du capital doit demeurer une priorité dans les sociétés de capital-risque canadiennes.

La levée de fonds au Canada tient la cadence des États-Unis

Entre 2013 et 2023, selon les données de RBCx, le Canada a levé 34,1 milliards de dollars par l’entremise de 255 fonds de capital-risque, tandis que les États-Unis ont levé 888 milliards de dollars américains par l’entremise de 8 990 fonds de capital-risque. Bien que l’affectation des capitaux soit bien plus élevée aux États-Unis qu’au Canada, nous procédons à des affectations de capitaux à un rythme relativement similaire à celui des États-Unis depuis 2019 (graphique de gauche). Le ratio du montant cumulatif des capitaux levés aux États-Unis par rapport à celui des capitaux levés en 2013 est identique à celui de 2023. Voilà un autre signe que notre écosystème du capital-risque se porte bien.

Intégration de toutes les données et futur du capital-risque canadien

Notre analyse concernait les dix dernières années du capital-risque canadien sous l’angle des sorties d’opérations de capital-risque, ainsi que des affectations de capitaux. À présent, nous rassemblons les deux ensembles de données pour créer un nouveau paramètre exclusif que nous baptisons le ratio entre la valeur cumulative à la sortie et le montant levé de capitaux. Ce paramètre d’efficacité évalue l’état global de notre écosystème du capital-risque canadien.
Le ratio calcule le montant cumulatif en dollars de capitaux décaissés (sortie de capitaux) par rapport au montant en dollars de capitaux encaissés (capital affecté) au cours des dix dernières années. Un ratio plus élevé impliquerait que notre écosystème a disposé d’un bon montant de liquidités par rapport au montant de capitaux affectés à la catégorie d’actifs au cours des dix dernières années. Un ratio moins élevé (<1,0 fois) indique que notre écosystème n’a pas décaissé plus de capitaux que ceux qui ont été affectés au cours des dix dernières années.
Le graphique ci-dessous montre le ratio entre la valeur cumulative des sorties et les capitaux levés pour les écosystèmes du capital-risque aux États-Unis et au Canada.

Ratio entre la valeur cumulative des sorties et les capitaux levés aux États-Unis :

En 2013, l’écosystème du capital-risque aux États-Unis a dégagé des sorties d’une valeur correspondant à 4,2 fois les capitaux affectés au cours de l’année. Il s’agit du ratio maximum sur les dix dernières années. Alors que les répartiteurs et les investisseurs ont injecté plus de capitaux dans la catégorie d’actifs au cours des années qui ont suivi, leur ratio a atteint un creux en 2018 (2,8 fois), puis une hausse jusqu’en 2021 (3,8 fois), une période record sur le plan de la liquidité pour le capital-risque. Étant donné que les marchés des PAPE s’inscrivent principalement dans une attitude d’aversion pour le risque depuis 2022, leur ratio a diminué pour s’établir à 2,8 fois. Dans l’ensemble, au cours des dix dernières années, et d’après nos données, le marché américain semble être devenu plus inefficace, son ratio étant passé de 4,2 fois à 2,8 fois.

Ratio entre la valeur cumulative des sorties et les capitaux levés au Canada :

La situation est très différente de celle aux États-Unis. En 2013, le ratio du Canada de 0,9 fois signifie que nous avons généré une valeur à la sortie de 90 cents pour chaque dollar affecté à la catégorie d’actifs. Suivant des tendances semblables à celles des États-Unis, nous avons atteint un nouveau creux en 2018 (1,0 fois) et un sommet pendant la vague haussière de 2021 (1,7 fois). Grâce à la robustesse relative des sorties d’opérations de capital-risque canadiennes en 2023, notre ratio n’a que légèrement chuté, en quittant son pic pour atteindre 1,6 fois. Par conséquent, notre écosystème canadien est devenu plus efficace au cours des dix dernières années, augmentant notre ratio de 0,9 fois à 1,6 fois.

Il est toutefois primordial de noter qu’en 2023, un écart absolu ne pouvant être ignoré subsistait entre les États-Unis (2,8 fois) et le Canada (1,6 fois). Le Canada compte une vaste cohorte de sociétés fermées à un stade avancé qui ont déjà été financées par le Plan d’action sur le capital de risque en 2013 et qui seront prêtes à effectuer une sortie au cours des dix prochaines années. RBCx continuera de surveiller le ratio entre le Canada et les États-Unis. Il est impératif que le secteur du capital-risque canadien s’efforce d’accroître son ratio et de réduire l’écart avec les États-Unis.

À l’avenir, le ratio entre la valeur cumulative des sorties et les capitaux levés nous permettra de comparer l’efficacité de l’écosystème de référence avec les marchés canadien et américain du capital-risque.

Le Canada dispose de la force nécessaire, c.-à-d. des talents, de la technologie, des entreprises et des capitaux nécessaires pour croître tout au long de ce prochain cycle du marché. Nous demeurons optimistes quant aux fondements de notre écosystème du capital-risque canadien, à notre position relative par rapport au marché américain et à la cohorte réjouissante de sociétés fermées à un stade avancé qui renforceront la réputation du Canada sur le plan technologique à l’échelle mondiale au cours des prochaines années.

RBCx offre un soutien aux entreprises en démarrage à tous les stades de leur croissance, et appuie certaines des entreprises technologiques et des générateurs d’idées les plus audacieux du Canada. Nous transformons notre expérience, nos réseaux et notre capital en avantage concurrentiel pour vous aider à vous développer et à exercer une influence concrète sur le monde. Parlez dès maintenant à un conseiller de RBCx pour en savoir plus sur la façon dont nous pouvons aider votre entreprise à croître.


Méthodologie de RBCx visant à déterminer les premières sorties d’opérations de capital-risque au Canada

  1. Fondation de l’entreprise au Canada.
  2. Exécution de la levée de fonds par voie de capital-risque auprès d’un investisseur en capital-risque. Les sociétés qui ont levé des fonds exclusivement auprès d’investisseurs providentiels, de bureaux de gestion de patrimoine familial, de sources de financement participatif ou d’autres formes de financement non traditionnel ou sans participation ne sont pas admissibles.
  3. La sortie de la société a eu lieu entre le 1er janvier 2013 et le 1er août 2024.
  4. La société a effectué une sortie d’une valeur d’au moins 10 millions de dollars.
  5. L’approximation utilisée pour déterminer la valeur à la sortie d’une société a été déterminée par l’un des trois types d’opérations suivantes :
    1. un premier appel public à l’épargne (IPO) ;
    2. une fusion ou une acquisition ;
    3. un rachat majoritaire.
Pour les sorties de sociétés par les moyens suivants :
PAPE – La valeur à la sortie utilisée était l’évaluation de la société obtenue à la date du PAPE.
Fusion ou acquisition – La valeur à la sortie utilisée était le prix d’achat de l’opération déclarée.
Rachat majoritaire – Sous réserve du transfert et de l’achat de 50 % ou plus de la propriété de l’entreprise, la valeur à la sortie utilisée était l’évaluation de la société au moment de l’opération.
En ce qui concerne les sociétés du secteur des sciences de la vie qui ont effectué un PAPE, mais ont été acquises par la suite en tant que société ouverte (trois sociétés précises répondent à ce critère), puisque le délai entre leur premier PAPE et la date d’acquisition était d’au moins deux ans, la valeur à la sortie utilisée correspond au prix d’acquisition après l’entrée en bourse et non à l’évaluation du PAPE. Par conséquent, les trois sorties relevant de ce scénario seraient classées dans la catégorie Fusions et acquisitions.
Cet article n’offre que des informations générales. Il est à jour à la date de publication et ne constitue pas un avis juridique, financier ou autre conseil professionnel. Un conseiller professionnel devrait être consulté au sujet de votre situation particulière. Bien que les informations présentées soient considérées comme factuelles et actuelles, leur exactitude n’est pas garantie et ne doit pas être considérée comme une analyse complète des sujets abordés. Toutes les expressions d’opinion reflètent le jugement de l’auteur ou des auteurs à la date de publication et sont sujettes à changement. Aucune approbation de tiers ou de leurs conseils, opinions, informations, produits ou services n’est expressément donnée ou implicite par RBC Entreprises Inc. ou ses sociétés affiliées.
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