L’entreprise de biotechnologie en démarrage établie à Toronto pourrait redéfinir notre approche du soulagement de la douleur.

Toutes les 65 minutes et 22 secondes, une personne meurt d’une surdose d’opioïdes au Canada.

En moyenne, cela représente environ 22 personnes par jour. En comparaison, au plus fort de la pandémie de COVID-19, le nombre de décès en 2020 s’élevait à environ 11 par jour. Au total, les opioïdes, une classe de médicaments prescrits pour soulager la douleur qui comprend l’héroïne, le fentanyl, la morphine et l’oxycodone, entre autres, ont tué plus de 42 000 Canadiens depuis le début du suivi en 2016.

Selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), le Canada occupe le deuxième rang en ce qui a trait aux décès liés aux opioïdes, juste derrière les États-Unis.

Au vu de ces chiffres brutaux, il faut de toute évidence adopter une approche de participation collective dans la lutte contre l’épidémie d’opioïdes, en mobilisant tous les acteurs possibles, des fournisseurs de soins de santé aux services d’urgence, en passant par l’ensemble des administrations publiques. Deux scientifiques devenus entrepreneurs croient cependant que le secteur privé, et plus particulièrement leur entreprise de biotechnologie émergente, peut jouer un rôle essentiel dans la résolution de ce problème répandu et dévastateur.

Cofondateurs d’AmacaThera : Molly Shoichet, scientifique en chef, et Mike Cooke, chef de la direction.

 

Mike Cooke et Molly Shoichet sont les cofondateurs d’AmacaThera, une entreprise de Toronto qui offre une nouvelle façon de soulager la douleur sans recourir aux opioïdes. Leur produit révolutionnaire, qui fait actuellement l’objet d’essais cliniques, est issu des recherches menées par Mme Shoichet dans son laboratoire de l’Université de Toronto, où elle est professeure au département de génie chimique et de chimie appliquée. M. Cooke, originaire du Royaume-Uni, a travaillé en laboratoire pour étudier les cellules souches pendant son doctorat. En 2016, les deux ont uni leurs forces (elle en tant que scientifique en chef, lui comme chef de la direction) dans le but de « transformer leurs recherches universitaires en produits concrets » susceptibles d’annoncer une voie prometteuse pour les stratégies de réduction des opioïdes à long terme.

Le FedEx de la libération de médicaments

Un mélange d’AmacaGel et d’un produit thérapeutique peut être injecté dans le champ opératoire à l’aide d’une seringue, sans modifier la façon dont les chirurgiens opèrent. AmacaGel est conçu pour offrir un soulagement durable de la douleur après l’intervention chirurgicale, dans le but de faciliter le rétablissement du patient.

 

La technologie de l’entreprise repose sur une plateforme d’hydrogel brevetée. Le produit appelé AmacaGel est un mélange d’acide hyaluronique (l’ingrédient couramment utilisé dans les cosmétiques antivieillissement) et de méthylcellulose qui, combinée à l’acide hyaluronique, donne au produit la consistance d’un gel. Lorsqu’il est injecté par seringue dans le tissu mou d’un patient, le gel agit comme une sorte de système vecteur pour les médicaments existants, comme l’anesthésique, ou d’autres produits thérapeutiques auxquels il a été mélangé, permettant ainsi leur libération progressive dans l’organisme.

Mme Shoichet compare AmacaThera à FedEx : il fournit l’emballage protecteur (le gel) pour le contenu (les médicaments), puis détermine où et quand celui-ci doit être déployé. « Nous ne modifions pas les médicaments, nous modifions le mode d’administration, ajoute M. Cooke. C’est pourquoi nous parlons de plateforme. »

Comment ça marche : une innovation dans la gestion de la douleur qui change la donne

Pour comprendre la particularité de la technologie d’AmacaThera dans le cadre de l’épidémie d’opioïdes, il faut comprendre pourquoi les opioïdes sont souvent prescrits en premier lieu. Toute personne ayant subi une chirurgie – qu’il s’agisse d’une intervention dentaire importante ou d’une arthroplastie de la hanche – sait que la période de convalescence peut être douloureuse. Pendant l’intervention, un analgésique est généralement administré dans la région, mais il a tendance à se dissiper au bout de quelques heures, ce qui oblige la plupart des patients à se procurer un narcotique sur ordonnance pour obtenir du soulagement. Des études ont montré que cela mène à des millions de cas de dépendance aux opioïdes chaque année.

En revanche, le mécanisme de libération contrôlée de la plateforme AmacaGel assurerait un apport régulier en analgésique non opioïde pendant trois jours, engourdissant efficacement le champ opératoire pour une période prolongée, bien au-delà des 12 à 18 heures que durent les anesthésiques locaux conventionnels. M. Cooke et Mme Shoichet estiment que cette formulation à libération prolongée permet non seulement d’éviter l’administration fréquente d’opioïdes, mais aussi d’atténuer l’intensité de la douleur postopératoire, protégeant ainsi les patients des dangers de la dépendance et de la surdose. C’est dans ce contexte que l’entreprise offre une bouée de sauvetage dans la lutte contre le mésusage des opioïdes.

« C’est très excitant de voir notre invention scientifique, AmacaGel, devenir le fondement d’AmacaThera, et de la voir maintenant appliquée à des patients, déclare Mme Shoichet. Notre objectif est de concevoir des produits qui améliorent la vie des gens. Notre premier produit vise à soulager la douleur et à endiguer la crise des opioïdes, répondant ainsi à des besoins médicaux et sociétaux non satisfaits. »

« Notre objectif est de concevoir des produits qui améliorent la vie des gens. Notre premier produit vise à soulager la douleur et à endiguer la crise des opioïdes, répondant ainsi à des besoins médicaux et sociétaux non satisfaits. »

De plus, selon M. Cooke, son efficacité dans le traitement de la douleur favorise non seulement une guérison optimale, mais l’effet en aval pourrait aussi s’avérer bénéfique pour notre système de santé en difficulté : « si la douleur est traitée rapidement, alors le rétablissement s’en trouvera amélioré. On pourra ainsi donner congé de l’hôpital plus rapidement et réduire la durée des séjours, augmenter la capacité des hôpitaux et traiter plus de patients. Ce sont là des motifs importants et nous bâtissons l’entreprise dans cet esprit d’efficacité et d’efficience. »

Par-delà les murs de la salle d’opération : explorer diverses utilisations

AMT-143, la première formulation d’AmacaThera, est un anesthésique non opioïde qui, une fois approuvé, serait injecté localement durant une intervention chirurgicale au moyen d’une seringue préremplie.

 

Bien que la première formulation de l’entreprise, AMT-143, vise la gestion de la douleur post-chirurgicale, M. Cooke et Mme Shoichet sont convaincus que l’utilité d’AmacaThera pourrait s’étendre bien au-delà des murs de la salle d’opération. Par exemple, il pourrait être possible d’administrer un traitement anticancéreux dans des zones du corps difficiles à atteindre, comme les poumons ou le cerveau. « Cette technologie permettrait d’injecter la chimiothérapie directement dans la tumeur, explique M. Cooke. Comme il s’agit d’un traitement localisé, on peut espérer une plus grande efficacité, dans la mesure où une plus grande partie du médicament pénètre directement dans la tumeur, permettant ainsi de réduire la toxicité générale globale. 

La plateforme d’AmacaThera est compatible avec d’autres matériaux (petites molécules, anticorps, cellules souches, protéines et peptides, pour n’en nommer que quelques-uns) ; par conséquent, les résultats pour les patients pourraient s’en trouver améliorés dans plusieurs domaines thérapeutiques. Un large éventail de recherches scientifiques rigoureuses issues du laboratoire de Mme Shoichet (et étayées par plus de 325 publications à comité de lecture) montre comment la technologie pourrait être utilisée pour traiter non seulement certains cancers, mais aussi la cécité, les traumatismes de la moelle épinière et les accidents vasculaires cérébraux.

De plus, si l’on considère la possibilité que le produit soit aussi utilisé pour des patients non humains (chiens et chats, mais aussi animaux d’élevage), sa polyvalence pourrait en faire une pierre angulaire dans diverses disciplines médicales. « Les gens paient beaucoup d’argent pour s’occuper de leurs animaux de compagnie, souligne M. Cooke. C’est pourquoi des discussions sont en cours avec des compagnies pharmaceutiques de santé animale qui cherchent à breveter cette technologie. »

Dans ce contexte, AmacaThera apparaît comme une solution révolutionnaire, offrant un changement de paradigme dans l’éventail des options thérapeutiques à la disposition des patients, tout en promettant d’atténuer certains des plus grands défis de notre société. « Je crois en cette technologie parce que je l’ai vue à l’œuvre de mes propres yeux, affirme M. Cooke. Plus nous en apprenons sur le produit lui-même, sa fabrication, ses utilisations, ses résultats dans le cadre des essais sur les humains, et plus nous découvrons d’aspects positifs, plus nous sommes enthousiastes. »

Les hauts et les bas de la collecte de fonds

Compte tenu des débouchés potentiels (plus de 51 millions d’Américains subissent chaque année une intervention chirurgicale, les opioïdes étant le principal moyen de traiter la douleur), AmacaThera a, sans surprise, aussi suscité beaucoup d’enthousiasme chez les investisseurs. En novembre dernier, l’entreprise a annoncé avoir obtenu quatre millions de dollars supplémentaires en financement de série A auprès d’investisseurs, dont Lumira Ventures et StandUp Ventures, deux sociétés dont RBCx est fière d’être l’un des associés commanditaires.

RBCx appuie également la jeune entreprise en démarrage en répondant à ses besoins en matière de services bancaires courants. « Nous faisons affaire avec RBCx depuis nos balbutiements et cela nous simplifie la vie et améliore notre efficacité. Moins je souffre de maux de tête, plus nous pouvons nous consacrer à la science, » plaisante M. Cooke, ajoutant que l’occasion de réseauter avec nos leaders avisés lors d’événements clientèle organisés par RBCx est un atout important. « Je vois que vous avez embauché quelques personnes de la Silicon Valley Bank ; nous sommes donc impatients de voir ce que RBCx accomplira à l’avenir. »

Et pourtant, malgré ce soutien bancaire, des investisseurs bien nantis, un produit de premier plan et l’expérience de Mme Shoichet, qui a déjà lancé deux autres entreprises, les cofondateurs admettent que cette aventure entrepreneuriale a été tout sauf facile. « Quand on se lance dans une telle entreprise, on ne sait pas à quel point cela va être difficile ; il faut être un peu fou pour vouloir le faire, car la mobilisation de capitaux a été, de loin, la partie la plus ardue, » déclare M. Cooke.

« Quand on se lance dans une telle aventure entrepreneuriale, on ne sait pas à quel point cela va être difficile. II faut être un peu fou pour vouloir le faire, car la mobilisation de capitaux a été, de loin, la partie la plus ardue. »

« La principale réaction que nous avons reçue des investisseurs a été de nous féliciter pour notre persistance. Ils sont surpris par la ténacité de cette entreprise et par le fait qu’elle ne cesse de progresser, raconte M. Cooke. Et c’est là la clé : nous mènerons à bien ce projet coûte que coûte. »

Pour y parvenir, AmacaThera utilise cet apport en liquidités pour accélérer les essais et le développement de l’AMT-143 et la mise au point d’autres formulations avant de procéder à une nouvelle collecte de fonds dans le courant de l’année. Et, bien que les deux entrepreneurs soient les premiers à reconnaître que le Canada demeure un environnement économique difficile pour les entreprises en démarrage du secteur de la technologie, le duo reste déterminé, animé par un profond dévouement à sa mission. « Dans 20 ans, nous espérons être une entreprise prospère avec des produits qui améliorent la vie des gens, dit Mme Shoichet. Il n’y a rien de plus passionnant que de travailler à la création d’un avenir meilleur grâce à des idées novatrices. »

« C’est un immense privilège que de mettre le produit sur le marché et de le faire progresser, ajoute M. Cooke. Nous sommes chanceux d’avoir les investisseurs et notre équipe. Je ne veux jamais l’oublier. Ce serait formidable d’avoir inventé quelque chose qui pourrait profiter à des millions et des millions de personnes. Mais, pour être franc, je pense que si nous parvenons à améliorer ne serait-ce que la vie d’une seule personne, ce sera déjà une grande réussite. »

Pour en savoir plus sur AmacaThera, visitez le site AmacaThera.ca. 

RBCx offre un soutien aux entreprises en démarrage à tous les stades de leur croissance, et appuie certaines des entreprises technologiques et des générateurs d’idées les plus audacieux du Canada. Nous transformons notre expérience, nos réseaux et notre capital en avantage concurrentiel pour vous aider à vous développer et à exercer une influence concrète sur le monde. Parlez dès maintenant à un conseiller de RBCx pour en savoir plus sur la façon dont nous pouvons aider votre entreprise à croître.

 

 

Cet article n’offre que des informations générales. Il est à jour à la date de publication et ne constitue pas un avis juridique, financier ou autre conseil professionnel. Un conseiller professionnel devrait être consulté au sujet de votre situation particulière. Bien que les informations présentées soient considérées comme factuelles et actuelles, leur exactitude n’est pas garantie et ne doit pas être considérée comme une analyse complète des sujets abordés. Toutes les expressions d’opinion reflètent le jugement de l’auteur ou des auteurs à la date de publication et sont sujettes à changement. Aucune approbation de tiers ou de leurs conseils, opinions, informations, produits ou services n’est expressément donnée ou implicite par RBC Entreprises Inc. ou ses sociétés affiliées.
Sujets associé

D’autres articles susceptibles de vous intéresser